Au cours des Années Folles, Joséphine Baker et Duke Ellington se produisent dans les grandes capitales européennes. La population « swingue » sur de nouveaux rythmes. Ces nouvelles expressions artistiques se diffusent pour pénétrer la musique dite savante. Kurt Weill, en 1928, n’hésitant pas à bouleverser l’ordre établi, puise dans les inspirations jazz pour l’Opéra des Quat’sous.
Le Jazz est popularisé dans les années 1920 grâce aux nouveaux procédés de diffusion et de reproduction (disque et radio).
L’engouement pour ces rythmes modernes est rapide. Une véritable fascination se développe. La controverse idéologique à l’égard du jazz prend corps en Allemagne dès le début des années 1930.
La modernité qui caractérise cette décennie est réduite au silence dès l’avènement d’Hitler au pouvoir en 1933.
Innovation et création artistiques sont, selon les idéologues nazis, sources de dégénérescence de la race ! À l’innovation artistique s’oppose désormais le folklore, la tradition et l’ordre établi. Les artistes n’auront d’autre choix que la lutte clandestine au péril de leur vie, l’exil, ou la poursuite de leur art sous le contrôle des services nazis. Richard Strauss, Carl Orff, etc. composent selon le credo défini par le IIIe Reich ! Le Land de Thuringe, sous l’impulsion des nationauxsocialistes, promulgue un décret visant son interdiction car, le jazz « offensait le sentiment populaire allemand » et « portait atteinte aux bonnes moeurs ».
Les idéologues nazis affirment que le jazz représentait la « musique nègre » internationale, qu’il était une musique juive, et incitait à la débauche sexuelle … le saxophone était, quant à lui, considéré comme « un instrument dégénéré » !
Dès 1933, le jazz est interdit sur les ondes radiophoniques de Berlin. A partir de 1935, l’interdiction s’étend à l’ensemble du Reich. En 1937 sont établies des listes de morceaux prohibés.
Le jazz pose un véritable dilemme au ministère de l’information et de la propagande du IIIe Reich dirigé par Goebbels car interdire sa diffusion soulève protestations et mécontentement des auditeurs au risque de détourner l’opinion publique de cet instrument de propagande qu’est la radio au profit des stations étrangères. Or parmi ces auditeurs figurent les classes socioprofessionnelles moyennes et supérieures devant incarner les futurs cadres du parti. Se déploient alors différentes tentatives pour substituer au jazz une musique dite «authentiquement allemande ». En 1941, est créé l’Orchestre de musique légère du Reich, instrument de propagande officiel du Reich.
L'exemple du jazz permet d'introduire une réflexion plus large sur les questions centrales de l’engagement et du rôle de l’artiste dans une société ainsi que du pouvoir de la musique en tant qu’instrument de manipulation des foules mais aussi de survie contre la déshumanisation de l’univers concentrationnaire nazi.
Les informations de cette page sont extraites d'une conférence-débat organisée au Centre Régional "Résistance & Liberté" en présence de Bruno Giner, auteur-compositeur et auteur de l'ouvrage :
De Weimar à Thérézine, 1933-1945 : l’épuration musicale, Éditions Van de Velde, 2006