Centre Régional Résistance & Liberté

Le Mémorial de Lageon

Dès les premiers temps de la Libération, à l'initiative des familles, des résistants et déportés se développe un mouvement de poses de plaques et d'édifications de monuments. Le mémorial de Lageon s'inscrit pleinement dans ce courant mémoriel. Ce monument érigé à la mémoire des résistants des arrondissements de Bressuire et Parthenay morts pour la France est inauguré le 26 septembre 1948.

Un monument funéraire et patriotique

Mobilisation de la population autour de l'édification d'un monument mémoriel

A la fin de l’année 1946 est créé un comité d’édification ayant pour objectif de perpétuer la mémoire de ceux [des arrondissements de Parthenay et de Bressuire] qui sont morts en déportation mais encore de permettre aux Familles qui n’ont pas eu le privilège d’avoir les leurs parmi eux, dans le cimetière communal, de venir se recueillir et penser au pied de ce Monument à leurs chers disparus. Présidé par Raymond Prouteau, maire de Lageon, il réunit Pierre Manson, secrétaire de mairie pour la commune de Lageon et instituteur, Daniel Bouchet (membre du réseau CND [5] et du mouvement OCM), des acteurs du mouvement Organisation Civile et Militaire [6] (Roger Hélier et Jean Turpault originaires de La Chapelle-Saint-Laurent, Ludovic Courtin domicilié à Thouars, Pierre Cacault de Bressuire, etc.), des familles de disparus (Mme veuve Henri Moles), etc. Une souscription départementale est lancée. Les amicales et associations de résistants, déportés et d’anciens combattants, les entreprises, les écoles, les familles et les individuels se mobilisent. La célébration des mariages est l’occasion d’organiser une quête au profit de la souscription. Tous sont mobilisés, quelle que soit l’origine socioprofessionnelle. Pour le seul secteur de Parthenay, plus de 95 000 francs sont réunis grâce à la générosité de plus de 300 donateurs.

Édifié sur un terrain donné par la famille Augu, en bordure d’un des principaux axes routiers des Deux-Sèvres, le monument répond à une double volonté : funéraire et patriotique. […] Pour l’érection de ce monument à la gloire des déportés des arrondissements du Nord de ce département morts dans les camps de concentration, quel meilleur choix pouvait-il être fait que ce bourg de Lageon ? Mais pourquoi Lageon plutôt que n’importe quel autre bourgade de Gâtine ? Parce-que Lageon […] se trouve être l’un des pôles de la Résistance de la Gâtine ou mieux du Nord du département. Thouars fut le champ des exploits des premiers réseaux de renseignements (CND) et des équipes de sabotage, Lageon fut […] lui au centre de l’activité du réseau action Organisation Civile et Militaire. […] 25 noms de soldats sans uniforme de l’OCM sont gravés sur cette pierre, 7 furent arrêtés à Lageon et sont morts dans les bagnes nazis. N’étaient-ce pas là, titres suffisants pour fixer ce choix ? (discours de Delphin Debenest, président de la Fédération Nationale des Déporté et Internés de la Résistance, 26 septembre 1948).

L’édifice, situé au centre du bourg de Lageon, interpelle le plus grand nombre. Par ces mots adressés, « Passant, souviens-toi », chacun est invité à se souvenir et à rendre hommage aux Deux-sévriens engagés jusqu’à la mort, victimes de l’univers concentrationnaire nazi des arrondissements de Bressuire et de Parthenay. Depuis le 26 septembre 1948, date de son inauguration, le site est scène d’une commémoration chaque premier dimanche du mois d’octobre. Cette cérémonie commémorative se veut ouverte à tous. Sans invitation particulière, elle réunit chaque année toutes les franges de la société : officiels, associations, familles et anonymes.

Architecture du monument

Mémorial de Lageon © CRRL [7]Les plans, réalisés par Julien Burcier, architecte conseil de Niort, proposent l’élévation de cet ensemble architectural au centre d’un modeste aménagement paysager clôturant le site. Un matériau local est choisi : selon toute vraisemblance, le granite bleu de Largeasse. Sa dureté et son inaltérabilité dans le temps déterminent ce choix. La matérialisation du souvenir ne doit pas être inquiétée par les épreuves du temps. Les choix ornementaux s’orientent vers l’épure et le monumental. Les Frères Rosset et Dominique Bouchet, tailleurs de pierre à La Chapelle-Saint-Laurent, se voient confier la réalisation de l’édifice.

D’une hauteur de six mètres, le portique à arc simple, présente en son centre un symbole funéraire repris dans de nombreux monuments dédiés à la mémoire de la déportation : une urne des cendres. L’inscription dans le marbre de l’identité des victimes renforcent la fonction funéraire du site. Pour les familles, l’ensemble est spécifiquement un lieu de recueillement.

La fonction patriotique est affirmée par la croix de Lorraine gravée dans le V de la victoire surmontant le portique, par la mention « Aux résistants déportés morts pour la France » et l’appel du 18 juin 1940. Symboles de la France Libre, ils incarnent avant tout ici la Résistance. Les clivages et les divergences sont gommés. En témoigne la diversité des convictions politiques qui ont nourri l’engagement des acteurs inscrits sur le monument. Cet édifice s’inscrit dans son temps. La volonté, ici, n’est pas de célébrer ni de rendre hommage à une résistance mais d’honorer des individus. D’autre part, circonscrire et penser la Résistance en terme géographique est un contre-sens. Si les acteurs sont tous originaires ou domiciliés dans les arrondissements de Parthenay et de Bressuire, leur engagement ne s’est pas pour autant exprimé sur ce territoire mais dans les départements limitrophes (Vienne, Charente-Maritime, Maine-et-Loire) ou encore en Allemagne, au sein des entreprises pour lesquelles ils travaillaient au titre du Service du Travail Obligatoire.

Liste des liens de la page